
Cie Quelque Refuge
En résidence du 27 avril au 8 mai
L’histoire des Enfants-pierre hérite des mythes des golems que l’on créé pour défendre les villes juives, mais aussi de Galatée, Pinoccio, Frankenstein, et toutes les histoires de créatures, d’êtres qu’on invente pour servir un but, et qui cherchent leur véritable place dans le monde.
Freya et Petya, créations d’un alchimiste fou, ignorent la vérité sur leur nature, leur naissance, et leur mortalité. Les récits et rumeurs à leur sujet qui jonchent leur chemin ajoute au trouble ; sont-ils vivants ? Sont-ils des machines ? Sont-ils une espèce à part, identifiables par le faciès qu’on leur renvoie ? Sont-ils des enfants normaux à qui on a raconté des fables ?
La pièce est traversée par l’hystérie et la barbarie des mensonges des idéologies raciales, et la violence et la fascination qui en découlent. L’aliénation que provoque le fait d’être réduit à un faciès, à une assignation, qu’il s’agisse d’être étranger, neurodivergent, queer ou autre de quelque manière que ce soit constitue le mouvement premier de la pièce, s’appuyant aussi sur des récits historiques réels, tout aussi terribles et imaginatifs que les contes cités plus haut : Saartjie Baartman, la « Vénus hottentote » montrée, prostituée, examinée et disséquée pour prouver l’infériorité de sa race, Hans Asperger qui théorise la « psychopathie autiste infantile », et qui propose de ne pas tuer les enfants qui présentent ces traits d’intelligence atypique pour les mettre à l’usage du régime nazi, ou tous les récits de guerre où l’ennemi est décrit comme un monstre dont la perfidie se lit dans le faciès, au Vietnam, en Algérie, au Rwanda …
Ces inventions pour qualifier ce qui est autre que soi-même et justifier sa persécution, son exploitation ou sa réification font partie structurante de l’histoire de l’humanité. Elles sont indissociables de nous car elles posent la question de notre identité. Si douloureux qu’il soit de s’y confronter, il n’y a qu’en les explorant que nous pouvons nous en libérer.
Les enfants-pierre sont des figures de l’altérité mais surtout du mystère de l’existence, des multiples mythologies qui constituent notre rapport au monde, leur histoire use du théâtre comme moyen d’expression, de survie et de réparation de l’injustice.
Ce sont eux qui racontent, qui manipulent les marionnettes, jouent le rôle des personnes qu’ils ont croisé, donnent vie aux ombres, et les masques comme les poupées ont le visage des acteurs. Le spectacle, ce sont Petya et Freya qui l’ont créé à la fin de leur histoire pour pouvoir la raconter.
Les marionnettes et les masques agissent tantôt comme un catalyseur, un objet transitif qui leur permet de revenir sur des évènement impossibles à dire, tantôt le marqueur de leur assignation à l’altérité, inspirés des dessins ethnologiques du XIXeme siècle et des caricatures contemporaines, tantôt des parures de réapropriation de soi, contenant leur propre multiplicité. Chaque élément scénographique, chaque procédé théâtral correspond à une étape, et le chemin vers la vérité est aussi un chemin vers l’art.